Monarque et plantes
Observations sur le
Petit Monarque Danaus chrysippus (Lepidoptera,
Nymphalidae, Danainae), la Scammonée de Montpellier (Cynancum
acutum L.,Asclepiadaceae) et le Séneçon du Cap (Senecio
inaequidens D.C.,Asteraceae) dans l’ouest de l’ Hérault
(Occitanie)
Bref
article proposé en 2022 à la Société
entomologique de France et refusé sous le prétexte qu'il
incluait de l'Archéologie !
Résumé
Pendant l'été canuculaire 2003, une population migrante
de
Danaus chrysippus s'est établie temporairement le long de
la rivière Aude, dans l'ouest de l' Hérault, où
les
deux sexes se nourrissaient sur Cynanchum acutum pour en
obtenir des
cardenolides à fonction défensive. Beaucoup plus
étonnamment,
les seuls mâles "butinaient" des inflorescences
desséchées
du Séneçon du Cap, plante importée riche en
alcaloïdes
de la pyrrolizidine, sans aucun doute pour en retirer ces
précurseurs
de la danaidone, leur pheromone aphrodisiaque,
biosynthétisée
par deux organes glandulaires associés : des pinceaux de poils
abdominaux
et des poches androconiales sur les ailes postérieures.
Bref Exposé
Les imagos des
Lépidoptères
Nymphalidae du genre Danaus et
tout particulièrement le plus
connu
d’entre eux, Danaus chrysippus,
le Petit Monarque dit aussi «
africain
», sont remarquables par leur brillante livrée
aposématique
rouge-orangé et noire, rehaussée de taches blanches, y
compris
sur le corps (fig.1, 2,3) et surtout, par des rapports aussi
étranges
qu’étroits avec certains végétaux leur
fournissant des précurseurs chimiques indispensables à la
défense par toxicité et à la production de
phéromones
intervenant lors d’ une parade nuptiale acrobatique.
Durant l'été
caniculaire
2003, une population migratoire de Petit Monarque, a été
observée par l’auteur dans l' extrême Ouest de
l’Hérault (Biterrois)
(Lopez,2003). Vraisemblablement issue
d’Afrique du nord via l’Espagne,
elle
s’était établie sur la rive gauche de l'Aude, en bordure
de
l'étang de Vendres, où son
biotope, demeuré
temporaire,
incluait une phragmitaie et surtout la ripisylve du fleuve
côtier,
cette dernière remarquable par l’abondance d'une liane toxique,
Cynanchum
acutum, la Scammonée de Montpellier (Asclepiadaceae)(Fig.1,2). En
outre, Senecio
inaequidens,
le Séneçon du Cap, dit aussi « de Mazamet
»
(81), était présent le long de la petite
route
voisine. Cette Asteraceae fut importée d'Afrique
australe
dans les années 1930 avec des peaux de mouton
destinées
à la cité lainière du Tarn, et s’est d’ailleurs
naturalisée
aujourd’hui dans une grande partie de l'Europe. Plante rudérale
très
invasive, fleurissant presque toute l'année, elle produit des
alcaloïdes de la pyrrolizidine (sénécionine,
rétrorsine) réputés hépatotoxiques et
cancérigènes pour le bétail et même
l'être humain.
La série d'observations
effectuées du 4 août au 25 septembre 2003 (Lopez,2003), a
montré que le Monarque des deux sexes se nourrissait
essentiellement du nectar de l’Asclepiadacée
indigène(fig.1,2), complétant ainsi la charge larvaire en
cardénolides,transmise à l’imago lors de la nymphose. Ces
composés organiques de la famille des stéroïdes
s’accumulent
dans les ailes, l’exosquelette et protègent Danaus en le
rendant
incomestible pour d’éventuels prédateurs, surtout
aviaires.
Non découverte dans le biotope prospecté, la chenille a
cependant
été vue ailleurs dans l’ Hérault
(Palavas-les-Flots),
s’y nourrisant précisément de Cynanchum acutum.
Comportement plus remarquable encore, des
mâles et non des femelles, ont été surpris
recherchant aussi les
capitules du Séneçon alors même qu'ils
étaient
flétris, voire desséchés, portant encore les
akènes
à pappus blanc de l’ infrutescence. Vraisemblablement
attirés
par la plante grace à leurs sensilles olfactives antennaires,
les
mâles inséraient leur spiritrompe en extension
dans
le réceptacle du capitule à la base des cynestes (fig.3).
Cette étrange manœuvre,
évidente dans un lot personnel de photos numériques
retrouvées il y a
peu lors de leur classement (fig.3), traduit sans aucun doute
l'absorption de substances végétales nécessaires
à l’activité sexuelle du mâle et déjà
reconnues par divers auteurs tels que Brower
& Jones (1965), Edgar
(1975) chez d’autres Danainae,
dont D.c.
dorippus sur une Héliotrope (Borraginaceae) (Schneider
et
al.,1975). Les alcaloïdes de la pyrrolizidine (PAs) peuvent
contribuer
à rendre les Monarques immangeables mais surtout, sont les
précurseurs chimiques de la danaidone. Lors de la parade
nuptiale cette phéromone aphrodisiaque est produite et
dispersée vers la femelle par le jeu subtil d’organes sexuels
secondaires: une poche glandulaire androconiale
dans chaque aile postérieure (Fig.1,3) et deux pinceaux de poils
exsertiles dans l’abdomen (Fig.4), ces derniers
étant
insérés prélablement dans la
précédente.
Rappelons ici pour mémoire,
découverte stupéfiante (Lopez
& Aufrère,
1999), qu’ils sont connus depuis la haute Antiquité,
car
figurés par des
Egyptiens dans une peinture d’hypogée du Moyen Empire ! (Fig.4).
Pour conclure, les observations
précédentes sont en faveur d’une biosynthèse de la
danaidone du Petit Monarque à partir d’ un
précurseur alcaloïde exogène cette fois en France
même, et rappellent à nouveau, que les Danainae sont un
exemple fascinant de la relation étroite et sophistiquée
entre les Insectes et les plantes à fleurs (Schneider et
al.1975).
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Fig.1
- Mâle butinant une inflorescence de Scammonée. Recto.
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Fig.2
- Femelle posée sur une autre Scammonée. Recto. |
Fig.3
- Mâle de profil (verso) aspirant des précurseurs
sur une inflorescence flétrie de Séneçon.
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P,
poche alaire gauche |
©
Photos numériques
A.Lopez
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P,
poche alaire droite - T, trompe |
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Danaus
chrysippus aegyptius mâle et
l'une de ses représentations à Beni-Hassan (Moyen Empire).Elle montre les pinceaux abdominaux de poils
exsertiles (flèche rouge) et les poches alaires (f. bleues) |
Fig. 4. - Exemplaire
mâle du Cameroun, vue
dorsale (Coll. A. et
B.Lopez) |
L'une des peintures du Tombeau de Khnoum-Hotep |
BIBLIOGRAPHIE
Brower, L.P.
& Jones,M.A.,1965. -Precourtship interaction of
wing and abdominal sex glands in male Danaus butterflies .
Physiol.Entom.,
December 1965, vol.40,n° 10-12 : 147-151
Edgar J.A.,1975. - Danainae (Lep.) et plantes
contenant des
alcaloïdes 1,2-déhydropyrrolizidine, en
référence aux observations faites dans les Nouvelles
Hébrides. The Royal Society pub., 13 November 1975, Vol.272,
n° 918 : 467-476
Lopez A. & Aufrère
S.,1999. – Les Papillons («
Monarques ») du tombeau de Khnoumhotep II à
Béni-Hassan (Moyen
Empire, XII e dynastie). Encycl. religieuse Univers
végétal,
Croy. Egypte ancienne (ERUV) I, Or.Monsp.X : 265-277.
Lopez A., 2003.- Sur
quelques relations
particulières entre les plantes et les Insectes, dont le
Monarque africain (Danaus chrysippus L.) dans l'ouest de
l'Hérault. Bull. Soc. Et. Sci. nat. Béziers, vol. 20, no
61, 2003 : 35-39.
Schneider D, Boppré M, Schneider H,
Thompson W.R, Clinton J,.
Boriack C.J, Petty R.L. & Meinwald J, 1975.- A pheromone
precursor and
its uptake in male Danaus butterflies », Journ. Comp. Physiol.,
vol.
97, 1975: 245-256
LIEN
EXTERNE
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tang_de_Vendres