LE PECTEN GLABRE
ET AUTRES COQUILLAGES MARINS TRÈS APPRÉCIÉS
DANS LE BITERROIS DURANT L’ ANTIQUITÉ.
LEUR ORIGINE PROBABLE
André Lopez *, auteur
I –Introduction
Depuis une trentaine d’années, l’archéologie fait de plus
en plus appel à l’une des disciplines exploitant les fonds biologiques
des sites antiques, notamment les archives animales. Cette archéozoologie,
du fait de la décomposition de la plupart des tissus, ne peut s’appuyer
que sur les vestiges ou « restes fauniques » que sont les
parties très minéralisés, notamment les os de Vertébrés
et surtout les coquilles des Mollusques marins beaucoup plus que des terrestres1.
L’époque romaine étant particulièrement riche
en ces « conchyliorestes »2 , tant sur le plan qualitatif que
quantitatif, ils nous permettront d’esquisser une restitution des environnements
marins contemporains des sites archéologiques avec l’apport comparatif
de leur présence lors des périodes néolithique, médiévale
et même moderne.
Bardot-Cambot et Forest ( 2015) ont établi que les populations
n’ont pas pénétré profondément en mer à
la quête des coquillages jusqu’au début du XIXe siècle
et que les conchyliorestes2 résultant de cette pêche dans un
site archéologique donné sont donc généralement
issus d’un plan d’eau tout proche impliquant un trajet direct, à
fortiori s’il s’agit d’une lagune3.
D’après les mêmes auteurs, il s’avère qu’en Languedoc
méditerranéen, les indices malacologiques4 de côtes sableuses
largement ouvertes sur la mer et surtout, en ce qui nous concerne, d’espaces
palustres avec des zones vaseuses calmes qui en dérivent par confinement,
permettent une approche zoologique de la configuration du littoral
à l’époque romaine. Ils suggèrent un ancien rivage aux
caractéristiques générales très proches de son
état actuel.
Or, durant des recherches complémentaires ponctuelles sur la villa
romaine de Vivios5,l’auteur de ces lignes y mit à jour dans ses dépotoirs
6 une quantité remarquable de coquilles de Mollusques marins : le
Pecten glabre (Flexopecten glaber ), qui prédomine largement, l’ Huître
plate d’ Europe (Ostrea edulis) et, moins abondants, la Moule (Mytilus
galloprovincialis) et les Coques (Cerastoderma edule et glaucum), tous appartenant
à la classe des Bivalves7 ainsi que un Gastéropode, le Cérithe
commun, Cerithium vulgatum8 . Il retrouva également de tels conchyliorestes2
sur d’autres sites antiques jouxtant les actuels étangs de Vendres
et de la Matte (Lespignan-Nissan), notamment près des domaines de
Castelnau, Clapiès et Ste Germaine, de sorte que leur transport
anthropique depuis le Palus9 dont dérivent ces lagunes3 s’imposait
dès lors à l’évidence. Cela, d’autant plus
que si l’on s’inspire du «principe de moindre effort et de moindre pénétration
en mer » également évoqué par Bardot-Cambot
et Forest (2015) à propos des Pectens de Camp-Redon ou Redoun,
site néolithique vérazien10 prospecté sur Lespignan,
le lieu de récolte ne pouvait être la côte en son emplacement
actuel, distante de plus de 8 km. En revanche, « les étangs
de Vendres et de la Matte, plus proches » apparaissent à ces
auteurs comme « des sources potentielles d’approvisionnement. »
sans qu’ils en apportent toutefois confirmation ni étendent leurs
recherches à l’époque romaine. Il s’agit d’ailleurs là
de leur unique allusion aux étangs de notre secteur, totalement ignorés
par Bardot-Cambot (2015) dans une compilation aussi instructive que fastidieuse.
Nous allons présenter successivement les quatre espèces
de Bivalves ou Lamellibranches7, encore vivantes de nos jours et qui ont
en commun des particularités systématiques, anatomiques et
bio-écologiques, ces dernières les réunissant depuis
toujours dans un même milieu. La description des coquilles sera évidemment
privilégiée car elles permettent seules une diagnose in situ
des conchyliorestes 2 d’habitats antiques et y font office de marqueurs
biologiques.
II -La Tétrade des coquillages marqueurs d’un bras de mer
dans
le Sud-Biterrois
L’ensemble des assemblages est dominé en tous lieux par le
Pecten glabre qui, depuis la Protohistoire, ici délibérément
négligée au profit de l’Antiquité romaine, s’imposait
presque partout sur la scène locale et même au-delà,
jusque dans l’arrière pays. Les coquilles de chacun des quatre taxons,
seules intéressantes en cette étude, présentent toujours
un même aspect fondamental, qu’il s’agisse d’individus vivant aujourd’hui
en France sur le littoral (Huître, Coques, Moule) ou dans l’étang
de Thau (Pecten glabre), d’épaves11 recueillies lors des curages
de désenvasement12 dans l’étang de Vendres ou de conchyliorestes2
sur les sites gallo-romains.
1-Le Pecten glabre Flexopecten glaber (Linné,1758), appelé
autrefois Proteopecten glaber ou P.griseus , est un endémique méditerranéo-pontique13,
faisant partie, comme la « Coquille Saint-Jacques » (Pecten maximus),
strictement atlantique, de la famille des Pectinidae,ordre des Pectinida
auxquels les naturalistes gréco-romains donnaient déjà
les noms de kteis (κτεις, κτενος)(Aristote, Histoire des Animaux) et
pecten ( Pline l'Ancien, Histoire naturelle) traduits sans ambiguïté
par « peignes », appellation, toujours en usage, préférable
à « Pétoncle », terme équivoqu14. Le Pecten
glabre semble aujourd’hui totalement absent du littoral sud-biterrois 15
où le remplace un genre voisin, l’Aequipecten opercularis, la «
Pageline », « Péchiline » ou « Vanneau
», d’ailleurs raréfié et de commercialisation réduite16.
La coquille du Flexopecten glaber , de contour orbiculaire, large et haute
en moyenne de 5 à 8 cm, présente deux valves convexes,
l’une droite ou inférieure, et l’autre gauche ou supérieure,
à peu prés équilatérales, la droite étant
moins incurvée que l’autre (coquille inéquivalve). Leur
face externe montre des lignes concentriques et est ornementée par
une sculpture dite costulée que forment de gros plis arrondis,
les côtes, rayonnant en éventail depuis l'extrémité
dorsale, au nombre caractéristique de 9 dans la majorité des
cas (Fig.1 ), rarement moindre (6-7) ou plus élevé, jusqu’à
10, du moins dans notre matériel. Il existe parfois un net
bombement subapical délimité par une strie de croissance
profonde . La face interne montre l’empreinte centrale du muscle adducteur7
et une ligne palléale arquée7. Chaque valve présente
deux oreillettes, expansions lamellaires encadrant sa partie apicale,
l’une postérieure, petite et triangulaire, l’autre antérieure,
nettement plus développée sur la valve droite, sub- quadrangulaire
et échancrée sur son bord inférieur.
La coloration externe est ochracée à rougeâtre
chez les spécimens de sites antiques (Fig.2) et souvent grise à
noire chez ceux du fond d’étang12(Fig.3), alors qu’elle varierait,
sur le vivant, du rouge au blanc uniforme plus ou moins bigarré de
brun à violacé. La face interne est de même couleur ou
blanche, plus ou moins nacrée. Les deux valves du vivant s’articulent
dorsalement autour de la charnière, presque sans dents
et son ligament antagoniste du muscle adducteur7.Sa « chair »7,
apparaissant sur le frais après ouverture de la coquille (Fig 4)
est bigarrée comme chez les autres Pectens de jaunâtre (manteau),
brun (branchies), beige et orange(gonade), blanc-nacré (muscle adducteur).
Le pied est rudimentaire et il n’y a pas de siphon.
Ainsi décrite, la coquille du Pecten glabre, diffère de
celles de la « Pageline », Chlamys opercularis (Fig.5), plus
grande (6 à 9 cm), à valves montrant un plus grand
nombre de côtes radiées (16 à 20) et une coloration
extrêmement variable , et du «Pecten » ou « Pétoncle
Noir », Mimachlamys (Chlamys) varia (Fig.6), de l’étang de Thau,
à côtes encore plus nombreuses (25 à 35), hérissées
de petites excroissances rugueuses et à « oreillettes
» remarquablement asymétriques, l’une très grande
et l’autre rudimentaire, les deux valves étant de couleur également
variable mais plus sombre. Par ailleurs, la coquille du Pecten glabre
ne saurait être confondue avec des fossiles 17
2 - Contrairement au taxon précédent, « défunt
» sur notre littoral15, l’ Huître plate d’ Europe (Ostreidea
: Ostreidae), s’y est perpétuée jusqu’à nos jours en
tant qu’Ostrea edulis 18, indigène des littoraux européens,
et seule présente sur notre côte jusqu’en 1866, cohabitant
dès lors avec l’ Huître dite portugaise18. Encore appelée
Huître sauvage ou de Marennes, elle est la seule espèce qui
soit, comme épave, identifiable dans l’étang de Vendres, donc
in situ et, en tant que conchylioreste, dans les habitats antiques, de ce
fait, l’unique Ostréidée susceptible d’avoir été
rencontrée à l’époque romaine.
La coquille d’ Ostrea edulis, généralement décrite
comme circulaire avec un contour plissé ou crènelé,
est en fait très polymorphe, plus souvent oblongue, elliptique, ovale
ou piriforme, de couleur extérieure blanche, jaunâtre, crème
ou gris brun, avec des bandes brun pâle ou bleutées. Les deux
valves ont une forme et une taille différentes, la gauche ou inférieure
étant convexe et fixée au substrat par sa partie antérieure,
le « talon », tandis que la droite ou supérieure est presque
plate, assez mince et se loge, comme un couvercle ou un opercule, à
l'intérieur de la gauche beaucoup plus épaisse, de structure
feuilletée et crayeuse. Leur surface externe irrégulière
montre des lamelles concentriques et, sur la gauche, peut être très
rugueuse, recoupée par des cannelures longitudinales. La surface interne
est lisse, blanchâtre ou gris bleuté et nacrée, opalescente,
la teinte générale virant au noir en fond d’étang12
comme celle du Pecten. La charnière est pourvue de petites dents et
fossettes caractéristiques. L’empreinte de l’ unique muscle adducteur
n’est pas colorée. La taille varie de 6 à 10 cm, parfois plus,
avec un poids pouvant dépasser 500 g (Huitre dite «
pied de cheval » car évoquant le sabot de cet animal).Sur le
vivant, la « chair »7,bien connue de tous, exposée dans
la valve creuse après ouverture, varie du beige crème
au gris pâle. Il n’y a ni pied ni siphon individualisés.
3 - Les Coques (famille des Cardiidae) se rattachent en France à
deux taxons d’un même genre : Cerastoderma edule, la Coque blanche
ou commune et la Coque glauque , Cerastoderma glaucum souvent
confondues tant leur ressemblance est grande et donne toujours lieu aux hésitations
des chercheurs qui esquivent l’espèce dans leurs écrits
en n’y mentionnant que le seul genre, Cerastoderma sp.. Pour les «
Zones Doris », la Coque commune serait « très peu
présente en Méditerranée », voire même absente,
se localiserait à la mer du Nord, la Manche et l’ Atlantique alors
que la glauque se rencontrerait pratiquement seule sur notre littoral, la
diagnose de Cerastoderma edule lui étant donc attribuée à
tort. En fait, d’après l’ étude régionale de Lambert
(1943) qui la signale notamment à la Maïre et l’examen attentif
de nos conchyliorestes gallo-romains, elle ne pouvait qu’être
présente dans le futur étang de Vendres. Sauf erreur due
à un polymorphisme trompeur du genre, elle semble même y avoir
cohabité avec la Coque glauque comme en témoignent leurs coquilles-épaves11
recueillies dans les mêmes vases extraites par curage12.
La coquille des Cerastoderma est facilement reconnaissable
à ses deux valves égales, symétriques, bombées,
à sommet recourbé, formant un ensemble rond, subglobuleux et
cordiforme en vue latérale (Fig. ) , d’où l’étymologie
du nom familial Cardiidae : cardium = « cœur ». Chaque
valve possède sur sa face externe 22 à 28côtes rayonnantes
croisées extérieurement par quelques stries concentriques foncées,
dites d’accroissement. La face interne montre des sillons correspondant
aux côtes externes, les empreintes de deux muscles adducteurs
et de la ligne palléale. La longue charnière dorsale
articulant les valves porte de fortes dents et des fossettes s’emboitant sur
le vif les unes dans les autres. La couleur externe globale de la coquille
varie de beige à ocre et l’interne est principalement blanche, avec
des zones brun-jaunâtre. La taille moyenne est comprise entre 1, 5 et
4 cm.
La confusion entre les coquilles des deux espèces devrait être
évitée si malgré les divergences des descriptions, l’on
tient compte que Cerastoderma edule (Fig. ) a une coquille plus petite,
plus épaisse, plus ovale que celle de Cerastoderma glaucum , un peu
trigone et surtout des sillons internes moins longs, s'effaçant sans
atteindre le sommet comme chez ce dernier taxon19 (Fig. ).
Sur le vivant, la chair 7 est comparée à une
petite « noix » beige, un peu ferme, avec un pied orangé
et deux courts siphons7 coniques divergents.
4 - La Moule de Méditerranée, Mytilus galloprovincialis,
est considérée parfois comme une sous-espèce de la Moule
commune, Mytilus edulis 20 Abondante aujourd’hui encore dans le secteur de
Vendres-plage et l’embouchure de l’ Aude jusqu’au barrage anti-sel, elle
paraît rare sur les sites archéologiques (Vivios) bien que s’inscrivant
dans une tradition languedocienne (Bardot-Cambot,2015) , beaucoup moins dans
les matériaux de désenvasement. Cette rareté n’est
en fait qu’apparente car liée à la grande fragilité
des valves du taxon. De fait, la coquille de Moule méditerranéenne
est fine et vulnérable, malgré son périostracum
20 épais, oblongue, pointue à l'avant et nettement élargie
à l'arrière, presque quadrangulaire, avec deux valves symétriques,
bleu-violet, noires ou brun foncé et montrant de fines côtes
extérieurement, d’un blanc-bleuâtre nacré à l’intérieur.
Caractère particulier, la pointe de la coquille est légèrement
repliée et son umbo20 s’incurve en crochet rendant la ligne basale
légèrement concave. Les deux valves, à charnière
courte, sans dents, sont appliquées étroitement l’une contre
l’autre par contraction musculaire, mais laissent passer le byssus7, bouquet
de filaments souples, très résistants et à extrémités
collantes. La longueur peut dépasser 10 cm. Après ouverture
de Mytilus galloprovincialis vivant, la « chair » montre
deux muscles adducteurs, un manteau bordé de noir violacé,
, la glande digestive brun-vert, le pied dont une glande sécréte
le byssus et la "bosse de Polichinelle » contenant les gonades, orange
chez la femelle, beige chez le mâle.
5 - Ecologie et Biologie
Les quatre Mollusques de cette étude partagent des traits anatomiques
communs en tant que Bivalves ou Lamellibranches7 mais aussi les mêmes
conditions écologiques dans le milieu qui les abrite tout
en y conservant un comportement qui leur est propre. Ils peuvent vivre en
mer ouverte, toujours à faible profondeur, près de la côte
(étages infra et médio-littoraux), avec une forte salinité,
mais aussi s’accommoder des milieux plus fermés, les estuaires et
les lagunes3 où le taux en sel fluctue car ce sont des organismes dits
euryhalins ou halotolérants 21pour lesquels une ambiance lagunaire
est la plus favorable. Isolés ou en bancs, les quatre Mollusques vivent
à faible profondeur au contact du substrat lagunaire, le Pecten, l’Huitre,
la Moule gisant latéralement et la Coque seule s’y enfouissant.
Comme la Coquille Saint Jacques et la Pageline en milieu marin, Flexopecten
glaber repose sur le fond par sa valve droite ou inférieure,
y recherchant peut être un sol sablo-argileux riches en nutriments
comme en Méditerranée orientale et, en Tunisie, dans la lagune
de Bizerte. Libre, il est susceptible de se déplacer en zigzag
par ouverture et fermeture rapide des valves22. Il est à souligner
que deux échancrures du bord des valves les empêchent d'être
jointives et laissent entrevoir le corps de l'animal, qu’il gise in situ
ou après sa capture. Les Pectens ne conservent donc pas leur eau comme
les trois autres Mollusques, de sorte qu’ exondés, ils ne peuvent
survivre au-delà de quelques heures.
L’ Huître, pour sa part, choisit dès l’état
larvaire 7 un substrat variable, souvent rocheux, comme il en
subsiste dans l’actuel étang de Vendres, mais aussi graveleux et
même vaseux. Elle y repose librement ou groupée en une population
dense, collée sur ce support définitif par le talon de sa
valve inférieure (cette fois la gauche), soudée aux
rochers, bien souvent à d’autres huitres (Fig. ) ou même à
un coquillage différent , qu’il lui adhère encore (Fig. ,
) ou s’y soit « imprimé » en négatif (Fig. ) comme
Bardot (2011,2015) l’a décrit sur Port la Nautique. A cette
faune incrustée s’ajoutent les traces d’ organismes d’un tout autre
embranchement, qu’ils soient logés dans la coquille ou à sa
surface23. L’ Huître est d’ailleurs une espèce « ingénieur
» capable de créer sur le fond un habitat favorable à
de nombreux autres organismes, formant des mini-récifs , véritables
oasis de biodiversité. La morphologie de la coquille serait
conditionnée par le rapprochement en groupe, la configuration du
substrat et la turbulence des eaux. Auquel cas, le constat
in situ et dans les dépotoirs antiques d’une prédominance
des formes arrondies à lamelles saillantes (Fig. ) sur les formes
allongées à surface « abrasée » (Fig. )
ainsi que la rareté des valves à talons soudés
(Fig. ), évoquent plus des individus isolés que groupés
en bancs, donc développés sans contrainte, et
vivant en eau calme sur un fond envasé comme pouvait seul l’offrir
l’environnement lagunaire24.
Les Coques, répandues sur la quasi-totalité du littoral
français sont des Mollusques fouisseurs et vivant enfoncés
dans le sable ou la vase, un sol gras et ferme sous une eau morte étant
leur habitat d’élection (Lambert, 1943)25. Ils le forent avec leur
pied, robuste et incurvé, s’enlisant dans les 3 premiers centimètres,
donc très prés de la surface mais pouvant s’enfoncer d’avantage
en le rétractant, les deux siphons7 restant seuls visibles extérieurement.
La Moule méditerranéenne bien connue de tous est présente
en bancs serrés le long du littoral, en milieux peu profonds,
inférieurs à 1m,50, aussi bien dans les eaux éclairées
et battues que dans les habitats calmes liés à la mer par des
graus3 et où la salinité est variable. Espèce sessile,
elle y vit fixée par son byssus7 aux substrats solides comme la roche
ou d'autres coquillages.
Si l’on excepte le Cérithe commun8, Gastéropode brouteur
se nourrissant surtout d’algues, tous les autres sont des taxons Bivalves
filtreurs, pompant l’eau de mer, les Coques avec leurs siphons7. Ils entretiennent
ainsi un courant d’eau assurant l’alimentation, surtout à partir du
plancton, capté par filtration (« suspensivores actifs
» et microphage omnivores) mais aussi la respiration avec absorption
d’oxygène via les branchies.Ainsi se comportent les coquillages encore
vivants de nos jours mais dont les restes étaient déjà
présents dans les habitats gallo-romains. Flexopecten glaber est,
sans conteste, le plus remarquable d’entre eux car ainsi que nous l’avons
déjà souligné, sa découverte à l’état
de conchyliorestes2 est devenue récurrente depuis qu’on le met à
jour, fortuitement ou par recherche délibérée dans les
substrats de sites gallo-romains au sud-ouest de Béziers et,
qui plus est, loin au nord de la ville.
III -Sites archéologiques à conchyliorestes dans le
Biterrois
Dans le Sud Biterrois, les habitats étudiés se situent
sur les communes de Nissan, Lespignan et Vendres (cartes 1à3), à
proximité plus ou moins immédiate des deux étangs homonymes,
la localisation de ces sites gallo-romains n’ayant été rendue
possible, dans la plupart des cas, que grâce au savoir de J.C.Rieux
(Valras).
Sur Nissan, la villa du Petit Marignan (carte 1,n°1), située
à flanc de colline en surplomb de l’étang de la Matte présente
des murs émergeants, en petit appareil, et à leur contact,
un dépotoir pentu largement ouvert (Fig. ), montrant une
quantité pharamineuse de pectens glabres touts stades confondus, de
taille souvent réduite (Fig.), prouvant qu’en cet habitat, l’édit
de Dioclétien 26sur le gaspillage n’avait guère été
respecté, qu’il lui fut antérieur ou contemporain.
Tout près de l’entrée ouest de Lespignan, l’emplacement
de la villa du Puech Oré (carte 1, n°2), est particulièrement
riche en Pectens, eux aussi de touts stades, plus ou moins mêlés
à des tessons (Fig. ).
Dans la villa de Vivios 5(carte 2,n°3), au sud de Lespignan,
il a été extrait de trois dépotoirs (A.L, 2018) une
grande quantité de valves du Flexopecten glaber, mêlées
à des coquilles d’Huître plate , de Moules, de rares Coques,
de quelques Cérithes (Fig. ) et à des tessons de poterie
résiduels signant leur authenticité.
Malheureusement, seule une cinquantaine des coquilles recueillies étaient
intactes (Fig.), toutes les autres plus ou moins amputées, peut être
par les fouilleurs, ou dégradées par des racines de cyprès.
Quelques 400 m à l’ouest du même site, au niveau de l’ancienne
source, dite de Valère, les fragments d’autres Pectens ont été
mis à jour dans la terre entre des blocs de démantèlement
(A.L.,Mai 2019)(Carte 2,n°4). Plus à l’est, cette fois, sur la
Barre du Puech blanc(carte2,n°5), où une population d’ Uvette
(Ephedra distachya) inaugura des recherches ultérieures (Lopez,20 19)
sur cette plante étrange de bord de mer, Giry
( in Ugolini et Olive,2013), aurait découvert des « citernes
» creusées dans la roche de ce beau promontoire surplombant
directement l’étang de Vendres, l’une d’elles (Fig. ) comblée
par des coquillages, avec 10% d’Huitres pour 90% de « Pagelines »,
en fait des Pectens glabres, enfouis aujourd’hui sous les déblais de
terriers de blaireau (Fig. encart) d’où quelques valves ont pu toutefois
être extraites (Fig. ).
Encore plus à l’est, en limite du Puech Blanc et du Domaine
de Castelnau un dépotoir a été découvert
fortuitement sur le versant occidental de l’Etang rond ou Redon (carte2,n°6),
lors de sondages pédologiques (Décembre 2018) à l’initiative
de Patrimoine et Nature (Vendres). Situé dans un terrain molassique
à environ - 50 cm de profondeur (Fig. ), ce gisement, jusque là
inviolé mais trop vite enseveli, se composait d’Huitres peu nombreuses
(Fig. ), d’une quantité impressionnante de Pectens glabres,
presque tous très bien conservés (Fig. ) et d’un matériel
d’aspect « cendreux » associé à des pierres ébauchant
un muret disjoint. Toutefois, contrairement à Puech Oré etVivios,
il est regrettable que des tessons de poteries n’aient pas été
mêlés in situ à ces conchyliorestes pour en permettre
la datation, Néanmoins la grande taille des valves du Flexopecten
glaber sur ce site pourrait permettre de rattacher son dépotoir
à l’époque romaine plutôt qu’au Néolithique final10
Au nord des « Bains », à Puech Blanc 1 (carte2,n°7)
des Pectens, des Huitres, Coques et Cérithe (Fig. et )ont été
récoltés en bord de chemin jonché de tessons dans le
dépotoir d’une villa éventrée à murs saillants
dans le talus.
Sur le plateau de Vendres, terrasse quaternaire alluviale de l’ Orb à
galets caractéristiques (Fig. ) , il a été récolté
tout près de Sainte-Germaine (carte3,n°9) un
grand lot de Pectens glabres (Fig. ) et surtout de Cerastoderma edule (Fig.
) dans une vigne labourée sur emplacement de villa romaine riche
en tessons(A.L, Février 2019)
Plus au nord, sur Jaussan (carte3,n°10), des Pectens glabres et des
Cerastoderma étaient également présents (Fig. ). L’Huitre
manquait sur ces sites mais aurait
abondé en contrebas du second27.
Au nord-est du domaine de Ste Germaine et près de celui de Clapiès,
l’auteur a également recueilli des Pectens glabres sur un autre
emplacement de villa au lieu-dit « Perrier-Grand Figuier » (carte3,n°11),
au demeurant fort riche en mobilier.
A Vendres même, un dépotoir de conchyliorestes semblables
a été découvert lors de travaux de terrassement à
environ 100 m du Portail Vielh aujourd’hui démantelé (J.Sierri,
com.pers.).Aucun mobilier antique n’ayant été vu avec ces Pectens,
une datation moyenâgeuse reste toujours possible.
Au nord ouest du village, un autre lieu de découverte des
conchyliorestes se situe cette fois à distance du Palus : Sclatianum
(carte 2,n°8) ,grande villa romaine, sise également sur la commune
, à Saint-Bauzille d’Esclatian ( la Savoie), ayant fait l’objet de
fouilles sous le nom de « Primuliac » (Mouret 1907)28. Guy Diaz
(com.pers) y a observé dans les déblais des valves de Pecten
ainsi que des tesselles issues d’une mosaïque près du «
grand mur ».
A Béziers même et ses environs immédiats, des coquillages,
le Pecten glabre en majorité écrasante, mais, semble-t-il pas
de Coques, ont été recueillis lors de fouilles sur sites romains
et moyenâgeux.C’est ainsi qu’ en contexte urbain de la première
moitié du Ve siècle on a dénombré dans l’ «
îlot Maître Gervais, US 42 » 2696 pectens, 74 huîtres,
6 moules et 3 bucardes et en contexte urbain de la 2e moitié du VIe
s. (« îlot Maitre Gervais, US 59 », 82 pectens, 20 huîtres,
1 bucarde, 3 donax, 2 cérithes, 1 moule. Enfin, en contexte semi rural,
sans occupation antérieure pour éviter la résidualité
de rejets antiques par exemple (Saint-Jean d'Aureilhan, fouille de l'aire
d'ensilage IXe-XIIe s) 814 pectens, 207 donax tr., 36 huîtres, 2 moules,
1 amande et 1 cérithe ont été dénombrés
(E.Gomez, com.pers.).
Au de là, s’étend l’arrière-pays défini,
selon Bardot et Forest (2015) comme la région couvrant une trentaine
de kilomètres à partir de la côte. Nous évoquerons
ici tout particulièrement les Avant-Monts avec le Saint-Chinianais
(Carte 4) aussi attractif par son environnement naturel que par ses Dinosaures,
sa préhistoire et ses habitats gallo-romains recélant, eux-aussi,
des conchyliorestes que domine toujours le Flexopecten (Planche) La présence
de ces coquillages marins à l’intérieur des terres et
en des lieux déjà éloignés du littoral,
aurait pu susciter, comme ailleurs dans la Gaule romaine, l’une de
ces controverses du XIX e siècle qui en faisaient des fossiles29 (Bardot-Cambot,2014)
et impliquant alors un transport de Mollusques vivants ou que leur état
de fraicheur permet encore de consommer. Le mobilier qui les accompagnait
régulièrement comportait des céramiques sigillées,
souvent décorées, provenant de la Graufesenque30. (Planche
1, F.Marcou)
Prés de Saint –Chinian, au lieu-dit « Notre Dame de Nazareth
» (carte 4,n°1) une villa romaine fut établie vers le sommet
de « la corne » et recélait un abondant mobilier, énuméré,
d’après Fédière, par Ugolini et Olive (2013) sans y
signaler de coquillages. Lors de ses propres recherches sur ce site abandonné,
F.Marcou a recueilli des tesselles en pâte de verre, des défenses
, de sanglier et un fragment de céramique montrant un petit gladiateur
à armatura de Thrace. (Pl.), les valves de très nombreux Pectens
(Fig. ), celles de l’ Huitre plate et même un conchylioreste de Callista
chione (Fig. ).Au Hameau de Fontjun , une première villa établie
sur la parcelle dite « Vigne Marty » (carte 4,n°2 ) et une
seconde, sur celles « Champ de Rives » et du «
Rajal » (carte 2,n° 3,4) lui ont livré le Pecten glabre
ainsi que les restes d’autres Mollusques (Fig. ) : Mytilus galloprovincialis,
Cerastoderma edule et même Glycymeris glycymeris, l’ Amande de mer14.
Au sud de Cébazan, près du Portel , F.Marcou a retrouvé
d’autres Peignes et une Huitre, au lieu dit Ancienne vigne de Calas
(carte 2,n°5). Sur Pierrerue, dans le « bois » homonyme (carte
2, n°6), le Pecten était encore présent avec un zooreste
de mammifère (défense de sanglier).Enfin, en contrebas de
St Baulery et du Puech de la Cour (carte 2,n°7 et 8 ), ses prospections
ont à nouveau confirmé la présence de Flexopecten et
de Cerastoderma.
A l’est du Saint-Chinianais, sur le piémont des collines de Faugères,
la villa romaine du Château de Coujan, près de Murviel, a livré
lors de ses fouilles (1960..) quantité de Pectens glabres (Florence
Guy, com.pers.).
Il doit exister bien d’autres sites à conchyliorestes vendro-lespignanais
dans la suite des Avant-Monts et au delà, en Montagne Noire, tout
un territoire qui confirmerait que les Bivalves aient pu être acheminés
beaucoup plus loin en Occitanie, jusque à Bram, dans l’ Aude, et même
en Haute-Garonne dans la grande villa romaine de Montmaurin. Labrousse (1959)
est d’avis que l’essentiel de sa « faunule malacologique » provenait
du littoral languedocien et Fauvel (1986), sans aucun doute du Lacus rubresus
, donc, en ce qui nous concerne, et s’il ne s’agissait pas d’une collecte
narbonnaise (La Nautique), du Palus Helice.
IV - Origine des coquillages de sites antiques : le Palus
Hélicé
Il s’avère que dans le Sud Biterrois deux preuves tangibles
de l’existence d’un ancien bras de mer peuvent être empruntées
aux Sciences de la Vie : une plante de littoral sablonneux, l’Uvette,
Ephedra distachya ,confirmation botanique irréfutable (Lopez, 2019),
et des Mollusques lagunaires, notamment le Peigne glabre.
En ce qui concerne ce derniers et compte tenu, sous toutes réserves,
d’une hypothèse de Bardot-Cambot et Forest (2015) sur le Néolithique
final de Camp-Redoun (Lespignan), leur pêche par les habitants des
sites antiques confirmerait l’existence même de ce Palus9 avec
son calme et ses fonds vaso-sableux propices à la prolifération
malacologique4 lors de la Protohistoire et de l’Epoque romaine. Il ne fait
effectivement aucun doute qu’existait alors une avancée marine
plus impressionnante que le paysage évoqué par les auteurs
sus mentionnés. Rappelons l’étrange tableau brossé à
grands traits dans une précédente note (Lopez, 2019). Le bas
des sites archéologiques sur Vendres, Lespignan et Nissan, était
baigné par un immense plan d’eau, étale et uniforme suivant
les courbes de niveau inférieures par ses lignes de rivage. En inversant,
pour varier, l’ordre déjà adopté, rappelons qu’à
l’ouest ce Palus9 bordait le bas du versant oriental de
la Clape jusqu’à son ouverture sur le large. A l’est, il était
dominé, depuis la mer, par le plateau de Vendres ; au
nord par une succession de reliefs molassiques tertiaires s’étendant
de ce village jusqu’à Lespignan ; au delà par la série
des collines de Nissan sans atteindre toutefois l’ étang de
Capestang31. Enfin, côté sud-ouest, il était limité
par la terrasse alluviale de Coutelle édifiée par l’Aude près
de Coursan et dont on ne sait encore si elle était continue, rejoignant
alors le massif de la Clape (in Lopez,2019).
Tout porte à croire qu’il s’agissait là du Palus helice
ainsi baptisé, au IV eme siècle de notre ère
par le romain Rufus Festus Avienus (in Lopez,2019).
La présence des Pectens et des Huîtres dans le Palus pouvait
être déjà soupçonnée d’après des
écrits modernes. C’est ainsi qu’évoquant notre région
à propos des coquillages de Montmaurin, Labrousse (1959) estime
que les Huîtres «existaient à l'état naturel
sur les côtes du Bas-Languedoc »où l'Antiquité
les connaissait sous le nom d' « huîtres de Narbonne ».
Fauvel (1986) localise le gisement principal d’origine dans le « Lacus
rubresus ou rubrensis… lac qui par la suite donna naissance aux étangs
actuels de Bages et Sigean», ainsi –aurait-il pu préciser -qu’au
Palus Helice, d’autant que Vendres figure sur sa carte. Mais il faut remonter
à un auteur antique, le « bordelais » Ausone ( IVe
siècle)32 pour découvrir cette fois une évocation directe
de cette localité. Bien que préférant de beaucoup celles
du Médoc, sa région natale, il a fait en vers les éloges
des Huîtres de Narbonne en citant sans ambages leur lieu de production
: « Proxima sint quamvis, sed longe proxima multo Ex intervalle, quae
Massiliensia, portum Quae Narbo ad Veneris nutrit... ».« Celles
qui en approchent le plus, mais qui n’en approchent qu’à une énorme
distance, sont les huîtres de Massilia ; celles que Narbo « engraisse
» [« nourrit », « entretient », « soigne
»] au port de Vénus…. »
Ainsi désigne-t-il Vendres, du moins son Palus, en tant qu’habitat
pour les Huitres et, qui plus est, comme un lieu d’élevage33. L’excellence
d’un tel milieu, plus ou moins envasé, calme, avec une faible turbidité
et une possible dessalure liée à des apports d’eau douce
a été exprimée d’ailleurs par Pline l’ Ancien (XXXII
– XXI) : « … gaudent dulcibus aquis et ubi plurimum influant amnes;
ideo pelagia parva et rara sunt. » « Elles se plaisent aux eaux
douces, et aux lieux où plusieurs fleuves se jettent dans la mer;
aussi celles de la haute mer sont petites et peu nombreuses ».
Aujourd’hui, la présence du Pecten, de l’Huître plate et
des Coques se trouve directement confirmée sur l’emplacement
même du Palus (A.L.,Mars et Avril 2019). En effet, des valves de Flexopecten
ont été exhumées de sédiments fraichement labourés
pour l’installation de plantiers dans l’étang de la Matte, en contrebas
de Vivios5 (Fig. ) ainsi qu’aux abords de l’ex source Valère ( Fig.
). Il semblerait que la Moule, déjà connue du Néolithique
final sur Lespignan 10, y ait été également observée
à Gouldeau (Christian Rech, com.pers.) : d’une part en profondeur,
réunie en banc, apparemment in situ sur des rochers, lors de sondages
effectués près de la Clotinière pour l’installation
des piliers actuels du pont de l’autoroute A9 ; d’autre part accumulée,
peut être en dépotoir, dans la garrigue située au nord
de la première des carrières et de la source voisine.
Par ailleurs, une quantité beaucoup plus grande de coquilles-épaves
11 des quatre taxons, souvent avec une teinte noirâtre liée
à un séjour prolongé en milieu réduit comme dans
l’étang de Berre12, a été découverte dans celui
de Vendres (A.L.,Mars à Novembre2019), d’abord sur la rive est,
dans un creusement d’embarcadère en contrebas du plateau. La richesse
de ce lieu en Coques Cerastoderma (Fig. ) pourrait être expliquée
par la présence de sources puisque , selon « Doris »,
l’ «on peut remarquer de grandes densités d'individus à
proximité d'un apport d'eau douce ». Du pied du plateau , elles
pouvaient être transportées presque directement dans ses villae,
notamment à Ste Germaine et Jossan. Ultérieurement , des
quantités extraordinaires de coquilles- épaves11 ont été
retrouvées au sud des Thermes de Vénus dans les amas de
vases extraites du canal voisin par dragage (Fig. )33. Comme en d’autres lieux,
tels que le Lacus rubresus narbonnais le Pecten glabre, l’Huître plate,
les Cerastoderma et la Moule cohabitaient avec d’autres taxons (Bardot,2011).
Mais au lieu d’Anomia et Nassarius, il s’agissait d’espèces connues
comme recherchant aussi, sur substrats vaso-sableux, les eaux peu profondes
et légèrement saumâtres des lagunes ou futurs
étangs littoraux : la Bucarde tuberculée (Acanthocardia tuberculata),
la Palourde commune (Tapes decussatus), et la Telline ou Flion tronqué
(Donax trunculus)(Fig. ) trouvées dans les vases 12. En Novembre enfin,
un autre curage du long canal dit « de démoustication
» situé dans le lido face aux Sablières, à l’extrême
Sud de l’étang de Vendres (dit « Les Rizières »,
a montré que les Pectens glabres, d’abord largement dominés
par les Huîtres, Moules, Cérithes, Coques, auxquelles s’associaient
des Mactres (Mactra glauca, Mactra sp.), la Dosinie radiée (Dosinia
exoleta), l’ Amande de mer (Glycymeris glycymeris), la Cyclonasse (Cyclope
neritea), un Couteau (Solen) et deux Murex43, le « Rocher » (Murex
brandaris) et le Cormaillot (Ocenebra erinacea), devenaient de plus en plus
nombreux en remontant le canal. On peut en déduire que les 8 dernières
espèces, surtout maritimes et intertidales (étages médio
et infralittoraux), avaient vécu là dans une eau agitée
et salée, le Palus s’y ouvrant en pleine mer ou du moins par
un grau3 spacieux tandis que Flexopecten , adapté à un milieu
calme et saumâtre, tendait à se réfugier plus au nord,
en pleine lagune.
Une confirmation indirecte est apportée non seulement par
le mortier des thermes de la Villa de Vénus incluant Coques et Pectens(Fig.
à ) et celui de l’un des piliers de Vivios5 où furent incorporées
quelques valves lors de leur
confection (Fig. ), y compris celle d’un fossile (Fig. ), pratique
bien discrète par rapport à Font de Rome (Aude) 34 mais aussi,
et surtout, par l’omniprésence des conchyliorestes1 de consommation
dans la quasi-totalité des sites gallo-romains du voisinage tant sur
Vendres que Lespignan, à Béziers même et au nord de
cette ville où le Pecten fut transporté dans un but commercial
probable.
V – Commentaires
Nous avons présenté un ensemble de coquillages marins dont
les vestiges se retrouvent aussi bien dans les étangs actuels de la
Matte et surtout de Vendres, emplacement du Palus , que dans les habitats
gallo-romains du voisinage et, plus au nord, jusqu’à l’orée
des Avant-monts. Seule nous importait la présence des Bivalves et
non leurs comptages approfondis (Bardot-Cambot, 2015), trop lassants pour
le lecteur, que nous l’ayons constatée en pleine nature, donc in situ
dans l’aire du Palus , ou que nous l’ayons retrouvée plus ou
moins loin du littoral en milieu archéologique, attestant indubitablement
leur récolte antique, surtout pour consommation.
Soulignons d’abord que la région de Béziers n’a pas l’exclusivité
des conchyliorestes2 marins culinaires. En effet, le Pecten glabre, l’Huître
plate, la Moule et parfois les Coques ont été également
trouvés dans les habitats gallo-romains d’autres localités
méridionales, divers exemples d’accumulation de coquillages pouvant
être cités de l’actuelle Occitanie et de la Provence. C’est
ainsi que tout près de nous, à l’ouest de la Clape, donc dans
l’Aude, ils font partie des assemblages issus de Port-la-Nautique et de Narbonne
même (Bardot,2011) mais il s’agit là d’un contexte paléohydrologique
commun, la provenance des coquillages étant le Lacus rubresus, dans
sa partie occidentale, à savoir l’emplacement des étangs
actuels de Bages et Sigean. A l’est du Biterrois mais toujours dans l’Hérault,
semblables conchyliorestes2 ont été découverts près
de Montagnac dans la Villa de Lieussac, le Pecten et l’Huitre
se partageant à égalité un lot de coquillages
provenant de l’étang de Thau voisin, « Caractère scientifiquement
intéressant de l’ image ponctuelle d’une situation habituelle »
(Mauné & al.,2006). Plus loin encore, mais cette fois en Provence,
on a trouvé aussi le Peigne glabre et l’Huître plate à
Aix et dans d’autres habitats où Flexopecten pouvait prédominer,
allant jusqu’à représenter plus de la moitié des coquillages
(près d’Orange : Brien-Poitevin,1996).
L’exploitation du Palus puis des étangs a débuté
durant la protohistoire, à la période du Néolithique
final (Vérazien)7 avec le site de Camp-Redoun, sur Lespignan
(Forest, 2010 ; Bardot-Cambot & Forest,2015) et aux âges des métaux,
notamment du Bronze final II languedocien, avec l’habitat de Portailh Viel
(Vendres)( Carozza & al.,2017) qui a livré des coquilles
de Moules, d’Huîtres ainsi que des mandibules de Daurade,
leur prédateur. Cette exploitation se poursuivit ensuite durant toute
l’ Antiquité, sur une durée dont peut témoigner la villa
de Vivios5 pour se terminer au Bas Moyen Age. Tout laisse supposer qu’elle
a porté sur des gisements de Moules et des huitrières naturelles
car le talon des valves gauches des Ostrea, aussi bien in situ que dans les
habitats, n’a pas révélé d’empreintes évoquant
des supports artificiels (pieux, planches,tuiles), les seules identifiées
étant décrites plus haut dans la rubrique bio-écologique.
L’homme n’est donc certainement pas intervenu dans le processus de fixation
du nessain et l’hypothèse d’une ostréiculture que pourraient
suggérer les vers d’Ausone comme ailleurs dans l’ Empire , certaines
allusions d’Oribase, Martial et Sidoine Apollinaire n’est étayée
jusqu’ici par aucune preuve matérielle35, du moins dans notre dition.
Il en est de même pour une éventuelle « mytiliculture
»36.
De Vendres à Nissan, l’exploitation devait être dépendante
des nombreuses villae et métairies bâties dans la zone
du Palus à priori répulsive par ses rivages marécageux
mais donc les franges se prêtaient fort bien à des activités
multiples avec leurs basses collines cultivables et permettant le pâturage
des animaux en garrigue. L’exploitation des coquillages du Palus en représentait
un complément important sur le plan économique, peut être
associée à celle du sel, et impliquait techniquement
une série d’étapes.
1 – La récolte a pu se pratiquer près du rivage comme ultérieurement
par les Vendrois et les Sérignanais du Moyen Age (XIV e s.), «
à pieds et avec les mains, mais sans filet de pêche »
(Mukaï, 2019). Pareille collecte, ne concernant alors que les Moules
et les « Foulègues » n’était possible qu’à
faible profondeur et impliquait une vue directe à travers des eaux
claires, les secondes (Coques) repérables à leurs siphons. Bien
que les données archéoconchyliologiques ne donnent aucun indice
précis à ce sujet (Forest, 2002 ; Bardot, 2011) mais si l’on
extrapole au passé des techniques contemporaines, un outillage
rudimentaire approprié37 a pu être aussi utilisé pour
la collecte. Contrairement aux autres coquillages, les Pectens gisant sur
son fond près de la rive, étaient pour leur part
de capture plus difficile, car ils « voyaient » le pêcheur
s’approcher et se dérobaient en claquant leurs valves comme le
soulignait déjà Aristote. D’après ces allusions Forest
(2002), a évoqué l’usage d’engins comparables aux arselières
à Palourdes de l’étang de Thau, certaines valves étant«
percées d’un trou plus ou moins excentré, de forme et dimension
variables » provoqué par une dent métallique de l’appareil.
En fait, aucune des coquilles retrouvées sur les sites, notamment
à Castelnau et Marignan ainsi qu’à Béziers et Saint-Chinian,
ne montrait de telles perforations. Il y a donc lieu de supposer que les
Pectens glabres étaient récoltés à la main, ce
qui implique une certaine dextérité 22, avec une épuisette
ou mieux, à la drague, avec chassis et filet, exposant
à une collecte aveugle de tous les stades comme pour Marignan et Puech
Oré. En revanche, pour atteindre les gisements de Moules et d’Huîtres
plus éloignés du rivage, on peut évoquer l’usage d’embarcations
à faible tirant d’eau38, les engins de pêche étant alors
longuement emmanchés.
2-Pour le transport de proximité les coquillages étaient
recueillis, selon toute vraisemblance, dans des paniers en vannerie de Joncs
(J.maritime,des chaisiers), Phragmites ou osier (Saule), peut
être enveloppés d’algues, et acheminés ensuite
à mains d’homme ou par des animaux de bât, dans des abris temporaires
sur le rivage du Palus ou directement dans les villae, métairies
et leurs dépendances .
3 – Le stockage aurait pu être réalisé dans des réservoirs
à eau ou des cuves de salaison bétonnées comme celles
de Provence, de Saintonge et, pourquoi pas, sur Vivios même ( ex «
Viviers ») dans le « bassin » et la « piscine froide
». Selon trois auteurs cités par Labrousse (1956), les «
ostréiculteurs » de Gaule romaine auraient même trouvé
« l’art d’entrainer les huitres à vivre hors de l’eau de mer
et à conserver leur fraicheur » dans d’authentiques viviers,
non seulement près de Saintes mais très loin aussi à
l’intérieur des terres (Niort,Poitiers,Clermont), une garantie pour
les transports à distance. Moules et Coques ont pu également
s’adapter à une eau presque douce
4 - L’ouverture des coquilles aurait été mécanique,
par passage forcé d’une lame de couteau entre les valves pour trancher
le muscle adducteur7 et retirer la chair7, provoquant des encoches, entailles
et éraflures visibles sur le bord et la face interne (Bardot-Cambot,
2015). En fait, ces signes de brisures ne sont visibles que sur de rares
valves d’huître plate (Fig. ). Dans le cas du Pecten, Forest (2002
: Fig.2) évoque, sans en être assuré, une seule
trace de couteau. De plus, bien que l’ouverture, du moins en Provence, soit
sensée possible en cassant les oreillettes (Brien-Poitevin,1996), celles
de nos récoltes étaient pour la plupart intactes, surtout l’antérieure,
très fragile. En revanche, les Moules auraient pu être coupées
au moyen d'un instrument tranchant en biais. Une hypothèse commune,
toujours d’actualité pour les Cerastoderma demeure l’ immersion dans
des récipients remplis d'eau froide salée où les coquilles
s'ouvraient petit à petit pour laisser dégorger le sable ou
la vase et étaient ensuite rincées puis égouttées.
L’ouverture des Huitres par la chaleur a été également
évoquée.
4 -L’utilisation culinaire dans les sites archéologiques du littoral
biterrois et au-delà ne doit pas surprendre .Comme le souligne
Labrousse (1959) à propos de la villa de Montmaurin (Haute-Garonne),
le moindre habitat antique révèle, lors de ses fouilles, d’
abondants « déchets de cuisine », traces d'une alimentation
végétale (noyaux de fruits) et animale : ossements de
Mammifères, Oiseaux, Batraciens, coquilles d'œufs et surtout, conchyliorestes2
de Mollusques bivalves, tant les Romains et Gallo-Romains en étaient
friands. Le contenu de leurs « poubelles » dans le Midi méditerranéen
confirme qu’attirés par la saveur, peut être aussi inconsciemment
par la richesse en vitamines et sels minéraux, ils appréciaient
particulièrement l’Huître plate de réputation gastronomique
extraordinaire comme chez les Grecs, la Moule déjà recherchée
par les Gaulois mais contestée, et les accompagnaient presque toujours
de Peignes glabres, pouvant même être préférés
à l’Huître, ponctuellement aussi de Coques Cerastoderma39. Dans
l’Antiquité, les Pectens auraient été consommés
crus, ceux de Vendres et Lespignan ne montrant d’ailleurs aucun signe de
calcination alors que les Huîtres pouvaient être exposées
à la chaleur des braises et de la cendre, cette cuisson douce ouvrant
la coquille et permettant ensuite l’extraction de la chair7, technique sensée
la plus répandue en Gaule romaine.
Au vu des restes, il ne semble pas que les habitants de la zone
palustre du Sud Biterrois aient mis en pratique les diverses recettes de
cuisine très élaborées que donne Apicius40. Toutefois,
il se pourrait que les Peignes aient été parfois « apprêtés
», ainsi que le suggèrent des sources littéraires du
Haut Empire (Pétrone) et de l’Antiquité tardive (Anthimus)41.
C’est dans un but indéniable de consommation que Pectens
surtout, Huitres et Coques furent transportés depuis les abords
du Palus jusqu’aux Avant-Monts, dans le nord du Biterrois, soit par
voie fluviale en suivant la vallée de l’Orb (Orbus), voire aussi
celles de ses affluents le Lirou (Lirius) et le Vernazobres (Vernodubrum),
d’un plus haut débit qu’aujourd’hui, soit par voie terrestre
en utilisant le port ou la traction animale d’Equidés. Le seul problème
était celui du maintien de la fraicheur dont Anthimus40 a souligné
l’absolue nécessité.
5 – Ici se pose la question du devenir ultime des coquilles. L'originalité
de ces conchyliorestes par rapport à d'autres produits de consommation
habituelle, vient du grand volume des déchets, de leur odeur rapidement
nauséabonde mais attractive pour toute une faune détritivore
importune et de leur transformation en objets encombrants, peu altérables,
surtout coupants et donc dangereux. Il est prouvé que dans l’ensemble,
les plus volumineux étaient stockés à l’écart
des parties habitables, zones plus ou moins abandonnées de dépotoirs
ou de fosses-dépotoirs, et les plus petits, jetés n'importe
où : sur les sols des pièces d'habitation, dans les latrines
ou même les canalisations.
6- Autres usages
Indépendamment de toute consommation, le Pecten pouvait être
employé aussi pour la parure à la manière des
insignes de pèlerins médiévaux (Mauné & a.,
2006). En témoignent des valves trouvées à Béziers
(?) et dans la villa de Lieussac, percées d’un trou obtenu par percussion
à partir de l’intérieur et non du à un parasite.
Comme le Flion tronqué sur Lattes, il a pu avoir aussi un rôle
ornemental dans la confection de pavements tels qu’un « unicum
» de « pétoncles » recouvrant le sol à Martigues
(Provence) . En revanche, il n’est pas prouvé qu’il ait
pu décorer des parois comme un « Cardium » (Cerastoderma
ou Bucarde ?) incrusté que présente Mouret dans son matériel
de la Villa de Vénus (Vendres)
Une utilisation funéraire de coquillages en tant que lampes, est
également évoquée : le Pecten ( ?) signalé
dans une tombe de Murviel les Béziers(S. Raux, com.pers.) et surtout
le Vernis fauve, Callista chiona , identifié par F.Marcou près
de St Chinian (Fig. ). Ce dernier n’aurait pas été
consommé mais recueilli en tant que coquille épave et déposé
dans les nécropoles pour y servir de luminaire ou de « coupelle
à sel » rituelle (Manniez , Bardot, in Bardot-Cambot 2014).
Un dernier emploi est mécanique et architectural. Les coquilles
des Moules, Coques et Pectens petites et fragiles, ne pouvaient guère
être employées que comme couches de dépotoir. En revanche,
celles des Huîtres, volumineuses et résistantes,
constituaient par leur amoncellement des niveaux denses, pouvant supporter
une forte pression et exercer une action drainante. Elles permettaient
de combler les latrines ou de former des remblais d’assainissement , préparer
des niveaux de sol et de circulation comme à Narbonne.
7 - Le transport à distance
L’approvisionnement de l’arrière pays en coquillages frais depuis
le sud-biterrois suscite des interrogations sur sa réalisation
pratique. A priori, elle était moins délicate pour ceux dont
les valves bien closes (Huître, Moule, Coques) empêchaient la
fuite d’eau, que pour le Pecten entrebâillé qui ne la
gardait pas et en outre devait être très sensible à
l’anoxie 42.Elle ne se posait pas pour les Huîtres dont le transport
à bien plus grande distance, par exemple de Bretagne jusqu’à
l’ Urbs était pratique courante dans l’ Empire romain. Le maintien
en vie des Mollusques et donc leur fraicheur devant être impérativement
préservés, divers auteurs (in Labrousse, 1956) ont envisagé
un transport hivernal, dans des récipients appropriés emplis
d’eau de mer, rafraichis par de la neige ou de la glace et même leur
conservation en tous temps dans des viviers-relais aménagés
sur les circuits commerciaux. Bien que les autres auteurs aient pratiquement
fait l’impasse sur les conditions d’acheminement du Pecten, il se pourrait
qu’il ait été plus résistant que la Pageline,
ait supporté comme les autres taxons un « conditionnement
» en récipients spéciaux comme les amphorettes, voire
même un stockage et pouvait donc faire, à priori, l'objet d'expéditions
plus ou moins lointaines. Ces dernières étaient possibles dans
notre région comme l’indique sans ambages la présence de Flexopecten
dans le saint-Chinianais.
En dehors du Biterrois d’autres témoignages d’envois encore plus
éloignés concernent la partie orientale du Golfe du Lion.
C’est ainsi que depuis l’étang de Berre, le Pecten glabre et l’Huître
auraient été transportés commercialement par
voie fluviale (Rhone, Ouvèze, Durance) jusqu' à Orange, Aix
en Provence, au nord de Salon (Brien-Poitevin, 1996), le Pecten
atteignant Digne, l ‘Isère (St Romain de Jalionas) et même
Lyon. Il semblerait donc que l’arrivage de produits encore consommables
après un parcours d’au moins une centaine de kilomètres ait
dépendu non seulement d’une augmentation de la rapidité des
transports à l'époque romaine mais aussi de conditionnements
« malacologiques » efficaces non encore élucidés
à ce jour. Soulignons ici que notre étude ne concerne que
des coquillages demeurés entiers jusqu’à leur consommation
après un itinéraire de transport plus ou moins long et n’aborde
donc pas le problème d’un commerce de « chair décoquillée
», encore trop mal connu (Bardot-Cambot, 2014a,b) et impossible
à résoudre dans notre région.
8 Le destin historique des Mollusques
Le Pecten glabre, pour autant que l’on dispose de données fiables,
fut exploité dans le Biterrois jusqu’au bas Moyen Age comme en témoignent
les gisements de Saint-Jean-d’Aureilhan et de Béziers même
(E.Gomez, comm.pers.), alors que les sites montpelliérains de cette
époque et des siècles suivants n’en livrent déjà
plus. Au XIV e, l’espèce ne semble pas signalée dans l’étang
de Vendres, où sont mentionnées seulement la Moule, la Coque
ainsi que certains Poissons (Mukaï, 2019) . Ce processus d’extinction
s’est poursuivi ultérieurement, l’espèce étant
considérée comme en voie de disparition au XIXe siècle
pour ne plus survivre, de nos jours, que dans les seuls étangs
de Thau et de Leucate 15
Le destin de l’Huitre plate en Occitanie est fort différent
car elle se maintient toujours, bien vivante, dans ces deux derniers étangs
où persiste un volume d’échanges suffisant, et dans les eaux
marines au large du Chichoulet. De même, la Moule serait abondante
sur les rochers de l’embouchure de l’ Aude, remontant jusqu’au barrage anti-sel
de ce fleuve. Quant aux Coques (« Foulègues ») , elles
vivraient encore discrètement, au moins dans une « souillère
» près du port du Chichoulet (J.Sierri, com.pers.).
Comme l’a souligné Fauvel (1986), c’est la formation d’un cordon
littoral de plus en plus hermétique qui a entrainé l’isolement
de nappes lagunaires, la raréfaction ou la rupture des communications
avec la mer y changeant les conditions de vie au point d’entrainer
la disparition de certaines espèces. Celle du Pecten glabre, non
évoquée par l’auteur, en est probablement l’exemple
le plus flagrant. Mais il convient de souligner ici que c’est la surpêche
des Pectinidae par dragages massifs à l’aveugle (pour la Villa de
Marignan par exemple) qui, comme pour les « Pagelines » actuelles,
fut dès l’ Antiquité un facteur favorisant majeur de l’ éradication
du Flexopecten glaber, conclue au Moyen Age.
9 – Les lacunes zoologiques
Un fait surprenant est l’absence de certaines espèces, pourtant
ubiquistes, mais qui manquaient sur les tables gallo-romaines locales si
l’on en juge par leurs dépotoirs : le « Peigne variable »
(Fig. ) pourtant consommé sur la façade atlantique, le «
Vanneau » qui comme aujourd’hui devait vivre en mer face au
Palus, la « Palourde grise », (Ruditapes decussatus) (Fig. ),
également au menu atlantique, le « Flion tronqué
» (« Telline » ou « Ténille ») ( Donax
trunculus) , la Mactre coralline , le Couteau et le Rocher . Les coquilles-épaves
des trois dernières espèces trouvées dans les vases
curées au sud de l’étang de Vendres (Fig. ), prouvent
que moins euryhalines et recherchant une communication avec la mer, elles
cohabitaient néanmoins dans le Palus avec la tétrade classique.
Selon Bardot (….), « il faut peut être envisager pour ces coquillages
des raisons d’avantage culturelles, par exemple de l’ordre du dégoût
ou des interdits … ». Par ailleurs, la discrétion des Murex,
« Rocher fascié » (Hexaplex trunculus) et « épineux
», Bolinus brandaris, (Fig. ) pourtant recélés par les
sites archéologiques gardois et de l’Est héraultais que fournissaient
en abondance le Golfe d’ d’Aigues-Mortes et le bassin de Thau, s’expliquerait
par le fait qu’il s’agit là d’espèces essentiellement
marines, encore péchées de nos jours en mer au Chichoulet.
Contrairement aux autres genres, leur absence sur les sites gallo-romains
biterrois et leur limitation aux vases vendroises, dans l’extrême sud
de l’étang, semble montrer qu’ils n’ont pu s’accomoder du milieu lagunaire
du Palus et son ambiance confinée à l’intérieur des
terres. Ainsi se trouve éliminée l’hypothèse pourtant
séduisante, d’une possible industrie purpuraire locale, tout
comme sur Narbonne où les Murex n’ont été trouvés
qu’en faible quantité (Bardot,2011) et beaucoup plus loin aussi en
Provence (Brien-Poitevin,1996).
CONCLUSION
Ce deuxième travail confirme qu’au Sud de Béziers, un ancien
bras de mer, le Palus Hélicé d’ Aviénus, est à
l’origine des actuels étangs de Vendres et de la Matte, cela grâce
au truchement de marqueurs biologiques en apportant la confirmation définitive
: une plante archaïque de sables dunaires, l’Ephedra distachya
(Lopez,2019) et divers Mollusques marins, dont Flexopecten
glaber taxon à design élégant devenu quasi «
emblématique » dans notre région . Outre leur position
de témoins dans la flore et la faune antiques, ils furent exploités
par l’homme, notamment à l’époque gallo-romaine dont les habitats
sont signalés sans équivoque par leurs conchyliorestes.
Ainsi , plus que par les autres vestiges de consommation, les activités
humaines de l’Antiquité biterroise deviennent presque familières
par des coquillages pêchés à proximité,
transportés, mangés, et jetés enfin en dépotoirs
ou autres lieux, beaucoup plus rarement employés pour d’autres usages,
de la décoration à la maçonnerie.
Soulignons que l’ étude a été confortée par
une démarche d’ordre écologique in situ, à l’emplacement
même du Palus : la recherche sur deux ans de coquilles-épaves11,
d’une part dans les sédiments qu’ont remonté des labours profonds
de l’étang de la Matte, d’autre part dans les vases extraites de celui
de Vendres lors du curage de canaux12 révélant en masse les
valves des Mollusques Lamellibranches et les coquilles spiralées des
Gastéropodes, la plupart déjà anticipées par
leurs conchyliorestes dans les sites archéologiques.
In fine il est apparu un bel exemple d’interdisciplinarité
confirmant que l’archéologie gallo-romaine peut faire appel à
la faune d’un milieu aquatique, et même à un taxon végétal
ayant permis, dans un premier temps, de reconstituer sa ligne de rivage(Lopez,2019).
Associant l’ archéozoologie qui prouve une nouvelle fois son efficacité,
la paléohydrographie et un suivi chronologique depuis la protohistoire
jusqu’à l’époque moderne, elle confirme dans le Biterrois que
les conchyliorestes représentent d’une part un mobilier de choix,
pour connaître les activités humaines passées, et d’autre
part, favorisent les sciences de la vie en reconstituant une partie
modeste mais éloquente de la biodiversité antique.
Avec la participation de Monique Clavel-Lévêque * (Parc culturel
du Biterrois), Elian Gomez *, Francis Marcou (Cébazan), Jean-Claude
Rieux (Valras, Parc culturel du Biterrois) et Patrimoine et Nature (Vendres)
NOTES
1 - Les Escargots terrestres, Gastéropodes Hélicidés,
n’ont pas été pour autant négligés, notamment
, à Montmaurin( Labrousse, 1959 ) le « Petit-Gris (Helix aspera)
et l’ « Escargot de Bourgogne » (H. pomatia),encore appréciés
de nos jours. Ils étaient consommés par les Grecs et les Romains
marinés, frits ou grillés avec divers ingrédients (Apicius40)
et avaient aussi valeur d'offrande funéraire symbolique. Ils
semblent jusqu’ici être absents des sites Biterrois et leurs dépotoirs
2 -Les conchyliorestes (du grec conchylion = coquille) sont les vestiges
des coquilles entières ou fragmentées de Mollusques Gastéropodes
et surtout Bivalves dont la présence sur les sites archéologiques
ne peut être qu’ « anthropique », c'est-à-dire produite
par des activités humaines.
3 -Une lagune ou étang littoral, est une étendue d'eau
généralement peu profonde, salée ou saumâtre,
séparée de la mer par un cordon ou lido, souvent constitué
de sable fin, instable, vulnérable aux tempêtes, aux aménagements
humains et interrompu par des passes ou graus( en occitan : « chenal
», dérivé du gallo-romain « grauus »= «
rivage sablonneux, plage »), temporaires ou permanentes, faisant ainsi
communiquer la lagune avec le milieu marin.
4- Malacologique, car ayant trait à la «malacologie
», du grec malakos qui signifie «mou », fait directement
référence à l’animal lui-même, avec son corps
compressible, soit au Mollusque vivant dans un milieu, surtout lagunaire
où il est parvenu spontanément .
5 – La Villa de Vivios ( Lopez & Clavel-Lévêque in https://fr.wikipedia.org/wiki/Villa_Vivios),
située au sud-ouest de Lespignan, y occupe une petite éminence
de limons jaunes et calcaire lacustre, entre deux chemins descendant vers
l’étang de la Matte situé en contrebas. Remarquable par
son étrange « piscine froide » à deux escaliers,
un bassin, les vestiges d’une grande salle à piliers ayant pu faire
fonction d’entrepôt ou de granarium, et surtout son extraordinaire
réseau de canalisations. Elle recèle plusieurs dépotoirs6,
qui ont livré à Giry (années 60) un abondant mobilier
du Ier au Veme s et se sont avérés très riches en conchyliorestes2.
L’ hypothèse de son alimentation en eau par la source Valère
ne serait plausible que par un système de siphons inversés
comme à Causses- et -Veyran.
6 - En Archéologie, un dépotoir est une accumulation de
déchets ou détritus domestiques situé près
d’une résidence ou d’un ancien lieu d’habitation, réutilisant
souvent un silo, une fosse de stockage ou même un bassin. Sur certains
sites, tels que la villa gallo-romaine de Vivios5, ce sont les dépotoirs,
dont la grande piscine « froide », qui ont livré l’essentiel
du mobilier recueilli, conchyliorestes2 inclus.
7 -Les Bivalves (Bivalvia) sont des Mollusques d'eau douce
et surtout marine, ainsi nommés car leur corps est recouvert d'une
coquille à symétrie bilatérale, constituée de
deux parties distinctes, les valves, que réunit une charnière
avec ligament et que rapproche la contraction d’un ou deux muscles adducteurs
lors de la fermeture. Sur le vivant, le corps (« chair » des
consommateurs) est mou, aplati latéralement et comporte le manteau
bilobé s’insérant sur une ligne palléale, des branchies
lamelleuses respiratoires (Lamelllibranches), la masse viscérale incluant
des glandes génitales (le « corail »), un pied musculeux
plus ou moins développé pourvu parfois (Moule) d’une glande
sécrétant le byssus, ensemble de fibres permettant
d'adhérer au substrat, et, chez certains, des siphons, organes tubulaires
mécaniques extensions du manteau. Hermaphrodites ou à sexes
séparés, les Bivalves produisent des œufs dont est issue
une larve nageuse dite véligère, et qui battit une minuscule
coquille différente de celle de l'adulte.
8 - Le Cérithe commun est un « escargot de mer
» de la classe des Gastéropodes (Fig. ) à coquille grisâtre
ou brun pâle, turriculée, présentant plusieurs tours
de spire ornés de tubercules ou d’épines, une ouverture
échancrée à court canal siphonal et un apex pointu, longue
de 4 à 7 cm. Sa chair, bien que parfois consommée aujourd’hui
en Sicile, ne devait pas être savoureuse et, de plus, sa taille trop
exiguëe se prêtait mal à la dégustation. Les coquilles
retrouvées sur sites, peuvent provenir d'individus ramassés
avec les grosses espèces, exceptionnellement consommés ou jetés
plutôt aux détritus. Il en serait de même pour
un petit Murex,l’ Ocenebra erinaceus (Fig. ), « Cormaillot » perceur
d’Huîtres dont il se nourrit et ramené avec elles sur quelques
sites (Puech Oré, Castelnau…).
9 - Comme le propose Clavel-Lévêque (2014) et devant les
objections d’Ugolini et Olive (1987) sur l’appellation d’une étendue
d’eau primordiale , il y a tout lieu d’adopter, pour la désigner,
un nom neutre plus général , Palus que l’auteur
romain Avienus (IV eme s.) emploie aussi dans ses Ora maritima (in
Lopez, 2019, notes 34 et 36)
10– Au Néolithique final (entre 3500 et 2000 av. J.-C.), l'alimentation
en coquillages est prouvée sur Lespignan par le site vérazien
de Camp Redoun surplombant « une avancée profonde d'eau
marine dans les terres'', unique allusion de Bardot et Forest(2015) à
notre secteur. La consommation du Peigne glabre y est attestée
par des valves n’ayant appartenu qu’à de jeunes individus pour un
motif qu’ils ignorent, tandis que Cerastodesma sp., et Mytilus sp. ne seraient
pas alimentaires mais des épaves11 ayant servi , la première
comme « objet dont la fonction (nous) échappe'' et la seconde,
d’ outil de type « racloir ».
11- Ces « épaves » ainsi définies par Brien-Poitevin
( 1990 ), correspondent à des mollusques morts, tels qu’on les
découvre encore aujourd’hui sur nos plages, roulés par la
mer, ou dans la vase extraite de l’ étang de Vendres 12 La nature
épave est confirmée par des traces de dégradation mécanique
ou par la présence d’autres organismes marins fixés sur la
face interne de la coquille (vers, éponges, balanes, Bryozoaires)(Fig.
). Dans le passé, elles n’abritaient donc plus de chair depuis longtemps
lorsqu’on les a apportées sur les sites archéologiques dans
un but autre que nutritionnel. A l’inverse, les conchyliorestes alimentaires
étaient généralement indemnes.
12 - Faute de données semblables sur l’étang de la Matte,
l’extraction de vases à la pelle mécanique pratiquée
fort opportunément dans celui de Vendres en Octobre 2019 sur l’initiative
de la Domitienne (Communauté de Communes) a été une
occasion unique pour connaitre la paléofaune de l’ancien Palus qui
y était incluse. Ses coquillages, partie d’une thanatocénose
(tous les êtres vivants morts dans un même site, image altérée
de la biocénose) y présentent souvent une teinte noirâtre
(Fig. ) et des perforations multiples liée à un séjour
prolongé en milieu réduit comme ceux trouvé dans l’
étang de Berre où les Pectens notamment seraient « morts
depuis des décennies ou plus ».
13 –Comme toute espèce animale ou végétale dite endémique
(Du grec ancien ἔνδημον νόσημα, « qui se fixe dans un pays »)
car elle n'existe que dans une région déterminée et
nulle part ailleurs, le Pecten glabre est propre à la Méditerranée
et à la Mer Noire, l'ancien Pont Euxin d’où le qualificatif
de « pontique » utilisé pour le désigner dans cette
deuxième localisation.
14 - Le Pecten glabre et la Pageline15furent appelés en Français
« Poitoncle » (Moyen Age) puis « Pétoncle
», noms dérivés du latin classique pectunculus, soit
« petit peigne de mer » et diminutif de pecten, le « peigne
de mer », c'est-à-dire la « Coquille St-Jacques ».
Lamarck l’a réservé à un nouveau genre qu'il nomma aussi
Pectunculus mais qui correspond en fait à des coquillages d'une tout
autre famille, les Glycymerididae, connus aujourd'hui sous le nom générique
de Glycymeris, ou « Amandes de mer ».
15- Après avoir proliféré sur toute la côte
languedocienne, sud-biterrois compris, depuis Collioures dans les Pyrénées-Orientales
jusqu’au golfe d’Aigues-Mortes dans le Gard et, plus loin encore dans l’étang
de Berre, Flexopecten glaber aurait commencé à décliner
lors du XIIeme siècle. D’après Bardot et Forest (2015), cette
raréfaction serait due à l’accroissement des lidos3, oblitérant
les zones calmes et vaseuses où une salinité suffisante lui
permettait de prospérer. Considérée comme en
voie de disparition au XIXe siècle (Bucquoy, Dautzenberg &Dolffus,1898).
De nos jours, le Peigne glabre ne subsisterait plus en France qu’en très
petites populations dans les étangs de Thau (in Forest,2002)
et de Leucate (Clanzig,1987). En revanche, il serait abondant en Italie
dans l’ Adriatique, la Mer Noire 10 , en Grèce (Lesbos),
au Maroc ainsi qu’ en Tunisie dans la lagune de Bizerte.
16 - Alors que ses captures n'y seraient plus faites qu'accidentellement
au large du Chichoulet à l'occasion d'un traict de chalut ,
la « Pageline » aurait été récoltée
régulièrement, avec des dragues légères,
lors des années 60 face aux embouchures de l’Orb, du Libron et du grau
de la Maïre (Duclerc
et Fauvel,1968), les bancs concernés s'étendant entre
12 et 15 m de profondeur.
17 - Sur les sites à substrat rocheux molassique du Miocène,
les conchyliorestes du Pecten glabre ne doivent pas être confondus
avec Chlamys tournali, fossile typique du Burdigalien, beaucoup plus grand
et souvent retrouvé dans des blocs de construction comme à Vivios5
et ses alentours . Il en est de même pour Ostrea edulis à différencier
d’ Ostréidés fossiles, plus lourds et de forme différente.
18 - Ostrea edulis et non une sous-espèce, Ostrea edulis cristata
Born ou Ostrea edulis lamellosa Brocchi que Labrousse
(1959 : p.68-71, Fig.2) a individualisée à tort parmi
les conchyliorestes de la villa romaine de Montmaurin (Haute-Garonne), suggérant
en revanche la provenance languedocienne de l’espèce proprement dite,
ce qui l’inscrit favorablement dans le sens de notre propos. Elle diffère
de l’Huître dite portugaise, Crassostrea angulata, introduite au XIXes.puis
décimée par une épidémie et que l’on remplaça
par l’Huitre creuse du Pacifique, Magallana gigas, consommée
de nos jours.
19 – La possibilité que la Coque glauque dérive de la Coque
commune a été d’ailleurs évoquée
par Bucquoy, Dautzenberg & Dollfus 1892 qui l’ont considérée
comme sa sous-espèce sous le nom Cardium edule var. paludosa traduisant
bien une inféodation à l’eau saumâtre.
20– Les deux Moules, méditerranéenne et commune, peuvent
cohabiter et même s’hybrider. Leur différence tient essentiellement
dans le fait que la Moule commune a une coquille oblongue, en triangle arrondi,
sans angle, un umbo (« bosse, protubérance » à
l'extrémité saillante des valves)et une ligne basale droits,
un manteau brun-jaune et est plus petite que la méditerranéenne.
La couche la plus externe de la coquille, le périostracum, épais
et violacé, tranche sur le reste de la valve et permet d’identifier
les conchyliorestes fragmentés.
21 – Les organismes dits euryhalins ou halotolérants peuvent
supporter de grandes différences de la salinité de l’eau. La
lagune leur convient le mieux car sous son apparente stabilité les
conditions de vie ont un caractère dynamique et une grande variabilité
spatiale. Maximale à proximité des chenaux ou graus, l’influence
de la mer devient minimale au niveau des entrées d’eau douce et varie
ainsi au sein même de leur périmètre. La salinité
suit ce gradient de la terre vers la mer et évolue en outre au fil
des saisons. De plus, les espèces ici concernées peuvent être
aussi eurythermes, c’est à dire tolérantes à de larges
variations de températures saisonnières.
22 -Le Pecten, comme la coquille St Jacques et ses autres proche parents,
possède l’étrange faculté d’être très mobile
contrairement à la majorité des Bivalves,en effectuant de
brusques déplacements grâce à la projection d'eau qu’entraine
l'ouverture et la fermeture rapide des deux valves par contraction du
muscle adducteur7. Ces mouvements hydrodynamiques « à
réaction » peuvent atteindre une certaine importance et permettre
à des bancs entiers de quitter leurs lieux habituels de séjour
lorsque les conditions deviennent défavorables (apport excessif d'eau
douce, turbidité due à la houle) pour gagner des zones plus
propices. De tels déplacements rendent aussi la capture difficile,
d’autant plus que les Pectinidae « regardent » par les bords
du manteau pourvus d’un ensemble très sophistiqué d’yeux élémentaires,
système visuel évoquant celui qu’utilisent certains télescopes
!
23 –Il s’agit notamment de Vers Annélides Polychètes
ayant vécu dans le même biotope envasé, l’un sur la coquille
(épifaune), Pomatoceros triqueter ou Serpula vermicularis (Fig.
) retrouvé aussi sur des Pectens(Fig. ), l’autre dans son épaisseur
(endofaune),un Polydora qui y fore des galeries typiques en U, fragilisant
la coquille par des boursouflures et « chambres » noirâtres
(Fig. ) comme sur Narbonne(Bardot,2011).
24 - Cet habitat est effectivement plus ou moins envasé, calme,
avec une faible turbidité et une possible dessalure liée
à des apports d’eau douce comme l’ont exprimé Oribase ainsi
que Pline l’ Ancien (Histoire naturelle) : « : gaudent
dulcibus aquis et ubi plurimum influant amnes ; ideo pelagia parva et rara
sunt. » « Elles se plaisent aux eaux douces, et aux lieux où
plusieurs fleuves se jettent dans la mer ; aussi celles de la haute mer sont
petites et peu nombreuses ».
25 . Les Coques se rencontrent au bord des plages sur la zone de balancement
des marées dite intertidale ou estran, mais surtout, comme le souligne
Lambert ( 1943 :p.471, Fig.17 ) dans « les estuaires et les graus
lorsque le terrain leur plait, en particulier dans le grau de Maïre
près d’ Agde… », entendons par là la Grande Maïre
(Lopez,2019, note 22). « Elles s’adapte comme dans l’ouest- la côte
atlantique- aux eaux saumâtres et même…presque complètement
douces….On les trouve donc dans les étangs et dans les endroits les
plus éloignés de la mer aussi bien que près de leur grau…
», comme à Vendres-Plage dans la souillère du Chichoulet.
26 – L’empereur romain Dioclétien (284-305), créateur de
la « Tétrarchie », émit en 301 un édit sur
le gaspillage , dit du « Maximum », également évoqué
à propos des conchyliorestes de Provence par Brien-Poitevin (1996):
« …devant cette avalanche de coquilles, on est en droit de douter
de l'application de l'Edit de Dioclétien, du moins dans le midi
de la Gaule ».
27 – Une énorme accumulation de valves d’huitres, suggérant
leur « nettoyage » et l’existence d’un tri pour éliminer
les éléments indésirables pratiqués à
l’époque romaine. aurait été observé dans les
années …. entre les talus inférieurs de Jossan et l’ étang
de Vendres par J.C.Rieux (Valras) et C.Rech (Lespignan)
28 - L’étymologie que Mouret assigne à Primuliac, soit primus
lacus par allusion à un golfe secondaire du Lacus Rubresus, ne dériverait
donc pas, ce qui eut été plus logique , du nom latin du
domaine, Sclatianum, l’une de ces affirmations gratuites dont l’auteur fut
coutumier.
29 – Controverses auxquelles l’ abbé Croizet, curé de Neschers
(Puyde-Dôme), mit ainsi un terme : « L’homme est à l’origine
de leur transport, … la mer n’est pour rien dans cette affaire ».
30 – La Graufesenque est un site archéologique situé à
deux kilomètres de Millau (Aveyron) appelé Condatomagus (condate
= confluent Tarn-Dourbie; magus = marché), centre de production de
céramique le plus important en Gaule ( Ier siècle), notamment
d’une vaisselle fine, souvent estampillée ( sigillata) , avec un décor
moulé, un vernis de couleur brique et diffusée à tout
l’Empire romain, dont le Saint-Chinianais.
.
31 – L’Etang de Capestang, initialement « diverticule
» septentrional du Palus jusqu’à la dernière glaciation
(Würm : 6000 à 8000 ans), s’est ensuite isolé de ce domaine
lagunaire pour se transformer en un vaste marécage d’eau douce durant
la Protohistoire, le remblaiement responsable étant du à l’activité
de l’ Aude près de Cuxac et Coursan (Rescanières 2003)
32 -Ausone (Ausonius), de son nom complet Decimus Magnus Ausonius,
né en 309/310 en Aquitaine (à Bazas ou à Bordeaux) et
mort vers 394/395 dans une villa située entre Langon et La Réole,
est un homme politique, homme de lettres et pédagogue gallo-romain
de la période du Bas-Empire, proche de l'empereur Gratien et
auteur d'une vingtaine d'ouvrages.
33 - Par ailleurs, Ambert & al. (1978 ,1980) ont signalé des
Cardium (Cerastodesma) edule dans les niveaux marins du même
secteur et de Bages-la Nautique, qualifiés de « post-romains
», la « pulsation » ou « oscillation maritime positive
» responsable y étant datée du VI eme siècle E.C.
34 - Ces dernières sont toutefois accidentelles si on les compare
aux valves innombrables incluses délibérément dans les
murs de la villa gallo-romaine audoise dite « Fount de Rome »(l’
Oustalet, Fleury), où le mortier fut préparé sans aucun
doute avec du sable et des coquilles-épaves provenant cette fois de
plages du bord de mer (Lopez,A. in https://fr.wikipedia.org/wiki/Fount_de_Rome)
35 Selon Bardot et Forest ( 2013) les Romains ne semblent pas avoir pratiqué
l’élevage des huîtres qu’ils récoltaient vraisemblablement
dans les bancs naturels du Palus tels que nous les révèlent
les boues de l’étang de Vendres. Si pour ce dernier l’on en croit
Ausone, ainsi d’ ailleurs que certaines allusions d’Oribase, Martial et Sidoine
Apollinaire sur d’autres sites de l’Empire , il est possible qu’ils
en aient amélioré le goût dans des paniers d’osier
suspendus dans l’eau (ostriaria) ou dans des bassins dont l’existence
reste toujours à prouver.
36 – En ce qui concerne la mytiliculture romaine, aucune preuve écrite
ou la découverte des rangées de pieux enfouies dans la vase
d’étang ne permet d’en supposer l’existence, pas plus d’ailleurs,
contrairement aux huîtres que celle d’un traitement particulier
pour améliorer leurs qualités.
37 - Le principal outil actuel pour la pêche à
pied des coquillages enfouis dans le sable, comme les Palourdes, les
Praires ou les Coques étant une grapette, semblable rateau
à 3 dents aurait pu être utilisé dans l’ Antiquité
pour sortir les Cerastodesma du sable. Comme aujourd’hui, les huîtres
ont du être péchées à la main ou, si elles
étaient bien fixées à leur support, à l’aide
d’un outil spécifique rappelant, le piochon ou le détroquoir
modernes les détachant du substrat rocheux ou les unes
des autres quand elles sont collées entre elles.
38 - Les embarcations à faible tirant d’eau, bien adaptées
au domaine lagunaire, pouvaient être soit un radeau ( Ratis gaulois)
soit de petits esquifs multi- usages (transbordement), à
fond arrondi et sans quille, propulsés à la rame
ou à la perche par un ou deux pêcheurs, avec parfois une voile
carrée.
39 -La Coque, bien que moins connue et surtout moins appréciée
que les autres taxons, a pu apporter localement un appoint à
l'alimentation humaine car aujourd’hui encore, on la considére comme
ayant un rendement intéressant au point de vue nutritif et riche en
oligoéléments, avec peu de déchets.
40 - Apicius (Marcus Gavius Apicius : 25 av. J.-C. à 37 apr. J.-C)
était une figure de la haute société romaine sous les
règnes d’ Auguste et Tibère., millionnaire amateur des plaisirs
de la table.
41 - C’est ainsi que dans le « Satyricon » de Pétrone,
des peignes ont été servis en même temps que les huîtres
dans le festin de Trimalcion. Les médecins les jugeaient même
plus digestes que ces dernières et conseillaient de les manger avec
du cumin, du poivre et du vinaigre. Parmi eux, Anthimus, conseiller de Théodoric,
roi des Ostrogoths rédigea un petit traité de diététique,
De observatione ciborum (134).incluant l’intéret et la préparation
des pectens mets de première qualité et très facile
à se procurer, comme ils on a du l’être dans le Palus vendro-lespignanais.
Inclus place dans un soufflé de blancs d'oeufs et de volailles, dans
des boulettes ou rôtis dans leur coquille, ils représentaient
un aliment de choix, , à condition toutefois d'être consommés
très frais. Aujourd’hui encore, en Turquie et en Italie(nord
de l’ Adriatique), ses propriétés nutritionnelles et organoleptiques
font l’objet d’études (Berik et Çankırılıgil, 2013 ;
Marceta & al., 2016)engageant à promouvoir sa culture (future shellfish
farming) et sa commercialisation intensive
42 - Les besoins en oxygène des Pectinidés sont importants;
ainsi dans un bassin contenant une eau de mer non renouvelée, la «
pageline montre rapidement des signes d'asphyxie en sécrétant
du mucus et meurt au bout de quelques heures (Duclerc et Fauvel,1968). En
raison de « son faible pouvoir de résistance hors de son milieu
de vie,» elle supporte mal le stockage, même en eau de mer, et
logiquement ne pouvait faire l'objet de transports à distance, expédiée
seulement dans les villes les plus proches, soit Béziers,Agde et
Sète. Pareille fragilité a du se retrouver chez le Pecten
glabre comme en témoigne celui, survivant, d’Italie et Turquie (ex
Pecten proteus ou ponticus) où il ne serait consommé que très
localement, frais ou réfrigéré mais pour lequel existent
néanmoins des projets de « pectiniculture ».
43 - Les Gastéropodes Muricidae sont représentés
en Languedoc par les trois espèces, Bolinus brandaris , le «
Pointu » ou Rocher » , à coquille hérissée
de piquants», Hexaplex trunculus, le "Poivre" ou « Escargot de
l'étang », à coquille montrant de simples protubérances
et le « Cormaillot », Ocynebra erinacea. Ces coquillages
carnivores sécrètent un mucus qui fournissait «
la pourpre des anciens » ou pourpre de Tyr. précieux colorant..
Les deux premiers, de chair ferme et goûteuse, se consomment aujourd’hui
en court-bouillon, avec un aïoli.
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